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Découvrez l’édito de Bertrand Thamin, président du SNDTP
Discours du président
A l’occasion des 38ème Rencontres du Théâtre Privé qui se sont déroulées le jeudi 20 juin, nous vous proposons de consulter le discours de Bertrand Thamin, Directeur du Théâtre Montparnasse, et président élu en mars dernier à l’occasion du renouvellement des instances du SNDTP.
« Les 38èmes rencontres du Théâtre Privé sont l’occasion de faire un point d’actualité sur notre secteur lors de la présentation des spectacles et tournées proposés par les adhérents du Syndicat National du Théâtre Privé à partir de septembre 2019.
Suite au renouvellement des instances du SNDTP le 15 mars 2019, le Comité Directeur et moi-même abordons le mandat que nous ont confié les adhérents avec enthousiasme et responsabilité, comment pourrait-il en être autrement ?
Nous souhaitons résolument poursuivre le travail de structuration du Théâtre Privé initié par mes prédécesseurs (Jérôme Hullot, Georges Terrey et Bernard Murat). Chacun d’entre eux, avec la personnalité qui lui est propre, a contribué à écrire l’histoire de notre organisation et à conforter sa place dans un univers professionnel en constante évolution.
Toutefois, les mutations s’accélèrent. Nous faisons certes toujours de l’artisanat, mais il nous faut intégrer que la puissance publique parle aujourd’hui surtout d’industries culturelles pour nous qualifier, notamment sur un plan statistique. Le nier serait nous marginaliser et refuser de nous compter parmi les acteurs culturels pour mieux défendre notre place et nos spécificités auprès des décideurs.
Aujourd’hui nos entreprises doivent s’adapter à un environnement numérique où tout va toujours plus vite et où la maitrise de la data devient un enjeu économique essentiel pour garder le lien avec nos spectateurs.
Pour ces raisons et d’autres qui résultent des questions de représentativité et de regroupement des branches professionnelles, notre Comité Directeur devra placer son mandat sous un angle prospectif et définir une stratégie pour construire le Théâtre Privé de demain.
Mais comment va le Théâtre Privé aujourd’hui ?
Et bien il résiste fort heureusement bien face aux nombreuses autres propositions culturelles et de divertissement.
Selon les chiffres transmis récemment par l’ASTP, le nombre de spectateurs à Paris a atteint 4,3 millions en 2018, soit une hausse de 7% par rapport à 2017 (4M). En région, 2 millions de spectateurs ont assisté à une représentation d’initiative privée, soit une hausse de 12% par rapport à 2017 (1,8M). Les recettes de billetterie ont quant à elles augmenté de 11% tant à Paris qu’en Région.
Plusieurs de nos adhérents produisent ou diffusent également des spectacles d’humour qui peuvent être déclarés auprès du CNV quand ils ne font pas partie du champ de l’accord CNV/ASTP.
C’est la première fois que nous disposons de données aussi précises, arrêtés sur les dates de représentation et non les dates de déclaration de la taxe fiscale sur les spectacles du champ ASTP.
Nous disposons donc aujourd’hui d’une vision plus affinée de l’activité de nos adhérents qui représentent 85% de la fréquentation parisienne et 50% de la diffusion en région de spectacles d’initiative privée.
Nous constatons également en 2018 que notre prix moyen retrouve un niveau proche de 28€ à Paris, c’est certainement l’effet d’une responsabilisation accrue de nos adhérents visant à la maîtrise de leurs tarifs et au renforcement des liens directs avec les spectateurs pour limiter le « discount » des places.
Les chiffres de l’année 2018 ont donc été bons mais à y regarder de plus près, il apparaît que c’est surtout sur le 1er semestre que nous avons retrouvé une fréquentation satisfaisante comparée à 2017, année d’élections et donc de fréquentation en berne, le spectacle politique s’invitant bien souvent sur les plateaux de télévision.
La fin d’année 2018 a été quant à elle et pour certains de nos théâtres, notamment le théâtre Marigny, excessivement perturbée les week-ends en raison du mouvement des gilets jaunes. On constate cependant globalement que le 2nd semestre 2018 a été comparable au 2nd semestre 2017 malgré un mois de décembre 2018 bien en-deçà des chiffres de l’année précédente.
Ce premier trimestre 2019, est également satisfaisant comparé à celui de 2018 qui était déjà une bonne période, toujours selon les données transmises par l’ASTP et sur les dates effectives de représentations : les recettes continuent leur progression de 3% à Paris et 5% en Région alors que la fréquentation parisienne diminue de 1% (probablement lié à la poursuite du mouvement des gilets jaunes) et que celle en Région augmente de 6%.
Nous constatons encore pour le premier trimestre 2019 une évolution positive sur le prix moyen d’une place de théâtre à Paris et nous nous en réjouissons, car la détérioration de ce prix moyen traduisait la fragilité financière de nos entreprises. Je précise par ailleurs que notre prix de places de spectacles est proche de celui proposé dans les théâtres subventionnés par l’Etat et les Collectivités locales.
Cependant au-delà du côté « économique » de ces chiffres, certes nécessaire car nous sommes des entreprises commerciales et avons donc la responsabilité d’assurer la pérennité de nos entreprises, je souhaite aussi rappeler la place essentielle du Théâtre Privé dans la création artistique.
Car le Théâtre Privé, c’est aussi et surtout une diversité de programmation qui offre une palette de toutes les sensibilités de spectacles : comédie, drame, théâtre musical, humour, jeune public …
Nos spectacles s’adressent à tous les publics qui recherchent un moment unique, car chaque soir renouvelé, à partager avec des artistes sur scène. Cette magie de la scène et des applaudissements à la fin de la représentation, elle est aussi le fruit du travail de l’ensemble des professionnels qui concourent à la réussite des spectacles.
En 2017 nos adhérents ont ainsi employé plus de 5.500 personnes (permanents et intermittents) dont près de 1.700 artistes. Ces mêmes artistes représentaient près de 18M€ de masse salariale.
Avant tout, le Syndicat National du Théâtre Privé regroupe des directrices et des directeurs qui sont des producteurs de théâtre, en plus de gestionnaires de salles, et à ce titre ils assument tous les risques financiers, mais aussi une responsabilité sociale.
C’est pourquoi nous tenons à encourager les exploitations longues au travers des mécanismes de l’ASTP, mais aussi l’allongement des durées de diffusion et la fluidité entre les secteurs publics et privé.
Force est de constater que nos théâtres s’ouvrent de plus en plus aux productions initialement crées dans le secteur subventionné, le Théâtre de la Porte Saint Martin notamment en donne l’illustration depuis plusieurs saisons avec engagement et succès.
Cependant le Théâtre Privé continue à subir l’ostracisme de certains de nos confrères du subventionné. Nous ne pouvons toujours pas avoir accès à de nombreuses villes alors que les théâtres y sont disponibles à certaines périodes et pourraient accueillir nos productions pour le bonheur des spectateurs locaux. Sans une impulsion forte des financeurs publics, nous craignons que la diffusion des créations du secteur privé reste limitée, peut-être faudra-t-il réfléchir à des incitations dans le cadre des labels ou des cahiers des charges des lieux subventionnés ?
Bien sûr, avec le secteur public, nous n’avons pas les mêmes missions, pas la même convention collective. Mais ce n’est pas de cela dont il est question, il s’agit juste de cesser ces clivages privé/public s’agissant de la circulation des œuvres : il y va de l’intérêt des créateurs, des artistes et des spectateurs !
Pour en revenir à la création artistique, la programmation que vous retrouverez dans ce document, est, comme chaque saison prometteuse et éclectique, mais pour qu’elle soit encore plus ambitieuse, nous appelons de nos vœux la création d’un crédit d’impôt théâtre. Nous savons que ce que Bercy qualifie de « niche fiscale », n’a pas le vent en poupe ces dernier temps. Pour autant, nous estimons que la proposition qui est la nôtre, supportée aujourd’hui par d’autres organisations professionnelles, d’axer ce crédit d’impôt sur le développement de l’emploi artistique et l’émergence de nouveaux auteurs est responsable et légitime.
Nous souhaitons volontairement des critères très limitatifs, car à notre sens un crédit d’impôt théâtre doit constituer un effet de levier pour développer qualitativement et quantitativement la création et l’emploi.
Nous réfléchissons également à l’opportunité d’intégrer dans ce dispositif, si cela s’avérait possible, des critères tendant à l’égalité F/H dans le droit fil des réflexions que nous menons actuellement dans le cadre du plan d’action qui sera bientôt signé à l’initiative des partenaires sociaux du Spectacle, en lien avec le ministère de la Culture.
Ce sujet de l’égalité Femme/Homme ne doit pas être éludé dans notre secteur au motif que c’est un sujet sensible dès lors que l’on parle de liberté de création. Nous estimons, comme toutes les questions liées à la diversité, que nous devons nous emparer du sujet car les spectacles que nous donnons à voir sont aussi le reflet de notre société et matière à réflexion pour nos publics au-delà de l’émotion qu’ils procurent.
Les Institutions sociales du secteur : Afdas, Audiens, CMB, au sein desquels les représentants du Syndicat National du Théâtre Privé sont impliqués depuis leur création sont également mobilisées et partenaires des actions que nous pourrons mettre en œuvre et nous les en remercions.
Enfin, pour conclure un grand merci à tous les adhérents du SNDTP qui proposeront la saison prochaine des spectacles réjouissants par leur variété et leur qualité. Je leur souhaite une saison bercée par le plus grand succès possible »
Bertrand THAMIN le 20 juin 2019
*Photo Fabienne Rappeneau, tous droits réservés. Toute diffusion, utilisation interdite sans autorisation de l’auteur.
Pour consulter l’article consacré aux 38ème Rencontres du Théâtre Privé